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Category: French Literature

Une Passion dans le Desert / A Passion in the Desert – Pt 5

Une Passion dans le Desert / A Passion in the Desert – Pt 5

[I’m taking two copywriteless use texts: the original and a translation, and setting them next to each other. To improve reading comprehension.]

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Continued from Part Four

Malgré le frisson que lui causa son idée, le soldat se mit à mesurer curieusement les proportions de la panthère, certainement un des plus beaux individus de l’espèce,
In spite of the shudder this thought caused him, the soldier began to measure curiously the proportions of the panther, certainly one of the most splendid specimens of its race.
car elle avait trois pieds de hauteur et quatre pieds de longueur, sans y comprendre la queue.
She was three feet high and four feet long without counting her tail;
Cette arme puissante, ronde comme un gourdin, était haute de près de trois pieds.
this powerful weapon, rounded like a cudgel, was nearly three feet long.
La tête, aussi grosse que celle d’une lionne, se distinguait par une rare expression de finesse;
The head, large as that of a lioness, was distinguished by a rare expression of refinement.
la froide cruauté des tigres y dominait bien, mais il y avait aussi une vague ressemblance avec la physionomie d’une femme artificieuse.
The cold cruelty of a tiger was dominant, it was true, but there was also a vague resemblance to the face of a sensual woman.
Enfin, la figure de cette reine solitaire révélait en ce moment une sorte de gaieté semblable à celle de Néron ivre:
Indeed, the face of this solitary queen had something of the gaiety of a drunken Nero:
elle s’était désaltérée dans le sang et voulait jouer.
she had satiated herself with blood, and she wanted to play.

Le soldat essaya d’aller et de venir, la panthère le laissa libre, se contentant de le suivre des yeux, ressemblant ainsi moins à un chien fidèle qu’à un gros angora inquiet de tout, même des mouvements de son maître.
The soldier tried if he might walk up and down, and the panther left him free, contenting herself with following him with her eyes, less like a faithful dog than a big Angora cat, observing everything and every movement of her master.
Quand il se retourna, il aperçut du côté de la fontaine les restes de son cheval, la panthère en avait traîné jusque-là le cadavre.
When he looked around, he saw, by the spring, the remains of his horse; the panther had dragged the carcass all that way;
Les deux tiers environ étaient dévorés.
about two thirds of it had been devoured already.
Ce spectacle rassura le Français.
The sight reassured him.

Il lui fut facile alors d’expliquer l’absence de la panthère, et le respect qu’elle avait eu pour lui pendant son sommeil.
It was easy to explain the panther’s absence, and the respect she had had for him while he slept.
Ce premier bonheur l’enhardissant à tenter l’avenir, il conçut le fol espoir de faire bon ménage avec la panthère pendant toute la journée, en ne négligeant aucun moyen de l’apprivoiser et de se concilier ses bonnes grâces.
The first piece of good luck emboldened him to tempt the future, and he conceived the wild hope of continuing on good terms with the panther during the entire day, neglecting no means of taming her, and remaining in her good graces.

Il revint près d’elle et eut l’ineffable bonheur de lui voir remuer la queue par un mouvement presque insensible.
He returned to her, and had the unspeakable joy of seeing her wag her tail with an almost imperceptible movement at his approach.
Il s’assit alors sans crainte auprès d’elle, et ils se mirent à jouer tous les deux:
He sat down then, without fear, by her side, and they began to play together;
il lui prit les pattes, le museau, lui tournilla les oreilles, la renversa sur le dos, et gratta fortement ses flancs chauds et soyeux.
he took her paws and muzzle, pulled her ears, rolled her over on her back, stroked her warm, delicate flanks.
Elle se laissa faire, et, quand le soldat essaya de lui lisser le poil des pattes, elle rentra soigneusement ses ongles recourbés comme des damas.
She let him do what ever he liked, and when he began to stroke the hair on her feet she drew her claws in carefully.

Le Français, qui gardait une main sur son poignard, pensait encore à le plonger dans le ventre de la trop confiante panthère;
The man, keeping the dagger in one hand, thought to plunge it into the belly of the too confiding panther,
mais il craignit d’être immédiatement étranglé dans la dernière convulsion qui l’agiterait.
but he was afraid that he would be immediately strangled in her last convulsive struggle;
Et, d’ailleurs, il entendit dans son coeur une sorte de remords qui lui criait de respecter une créature inoffensive.
besides, he felt in his heart a sort of remorse which bid him respect a creature that had done him no harm.
Il lui semblait avoir trouvé une amie dans ce désert sans bornes.
He seemed to have found a friend, in a boundless desert;
Il songea involontairement à sa première maîtresse, qu’il avait surnommée *Mignonne*, par antiphrase,
half unconsciously he thought of his first sweetheart, whom he had nicknamed “Mignonne” by way of contrast,
parce qu’elle était d’une si atroce jalousie, que, pendant tout le temps que dura leur passion, il eut à craindre le couteau dont elle l’avait toujours menacé.
because she was so atrociously jealous that all the time of their love he was in fear of the knife with which she had always threatened him.

Ce souvenir de son jeune âge lui suggéra d’essayer de faire répondre à ce nom la jeune panthère, de laquelle il admirait, maintenant avec moins d’effroi, l’agilité, la grâce et la mollesse.
This memory of his early days suggested to him the idea of making the young panther answer to this name, now that he began to admire with less terror her swiftness, suppleness, and softness.

Vers la fin de la journée, il s’était familiarisé avec sa situation périlleuse, et il en aimait presque les angoisses.
Toward the end of the day he had familiarized himself with his perilous position; he now almost liked the painfulness of it.
Enfin, sa compagne avait fini par prendre l’habitude de le regarder quand il criait en voix de fausset: Mignonne !
At last his companion had got into the habit of looking up at him whenever he cried in a falsetto voice, “Mignonne.”

Au coucher du soleil, Mignonne fit entendre à plusieurs reprises un cri profond et mélancolique.
At the setting of the sun Mignonne gave, several times running, a profound melancholy cry.

– Elle est bien élevée !… pensa le gai soldat; elle dit ses prières.
“She’s been well brought up,” said the lighthearted soldier; “she says her prayers.”

Mais cette plaisanterie mentale ne lui vint en l’esprit que quand il eut remarqué l’attitude pacifique dans laquelle restait sa camarade.
But this mental joke only occurred to him when he noticed what a pacific attitude his companion remained in.
– Va, ma petite blonde, je te laisserai coucher la première, lui dit-il
“Come, ma petite blonde, I’ll let you go to bed first,” he said to her,
en comptant bien sur l’activité de ses jambes pour s’évader au plus vite quand elle serait endormie, afin d’aller chercher un autre gîte pendant la nuit.
counting on the activity of his own legs to run away as quickly as possible, directly she was asleep, and seek another shelter for the night.

Le soldat attendit avec impatience l’heure de sa fuite, et, quand elle fut arrivée, il marcha rapidement dans la direction du Nil;
The soldier waited with impatience the hour of his flight, and when it had arrived he walked vigorously in the direction of the Nile;
mais à peine eut-il fait un quart de lieue dans les sables, qu’il entendit la panthère bondissant derrière lui, et jetant par intervalles ce cri de scie, plus effrayant encore que le bruit lourd de ses bonds.
but hardly had he made a quarter of a league in the sand when he heard the panther bounding after him, crying with that saw-like cry more dreadful even than the sound of her leaping.

– Allons, se dit-il, elle m’a pris en amitié !… Cette jeune panthère n’a peut-être encore rencontré personne, il est flatteur d’avoir son premier amour!
Ah!” he said, “then she’s taken a fancy to me, she has never met anyone before, and it is really quite flattering to have her first love.”

En ce moment, le Français tomba dans un de ces sables mouvants si redoutables pour les voyageurs, et d’où il est impossible de se sauver.
That instant the man fell into one of those movable quicksands so terrible to travelers and from which it is impossible to save oneself.
En se sentant pris, il poussa un cri d’alarme;
Feeling himself caught, he gave a shriek of alarm;
la panthère le saisit avec ses dents par le collet, et, sautant vigoureusement en arrière, elle le tira du gouffre comme par magie.
the panther seized him with her teeth by the collar, and, springing vigorously backwards, drew him as if by magic out of the whirling sand.

– Ah ! Mignonne, s’écria le soldat en la caressant avec enthousiasme, c’est entre nous maintenant à la vie et à la mort… Mais pas de farces!
“Ah, Mignonne!” cried the soldier, caressing her enthusiastically; “we’re bound together for life and death but no jokes, mind!”

Et il revint sur ses pas.
and he retraced his steps.

….

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Une Passion dans le Desert / A Passion in the Desert – Pt 4

Une Passion dans le Desert / A Passion in the Desert – Pt 4

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Continued from Part Three

– Elle a bien mangé !… pensa-t-il, sans s’inquiéter si le festin avait été composé de chair humaine; elle n’aura pas faim à son réveil.
“She’s had a good dinner,” he thought, without troubling himself as to whether her feast might have been on human flesh. “She won’t be hungry when she gets up.”

C’était une femelle. La fourrure du ventre et des cuisses étincelait de blancheur.
It was a female. The fur on her belly and flanks was glistening white;
Plusieurs petites taches, semblables à du velours, formaient de jolis bracelets autour des pattes. La queue musculeuse était également blanche, mais terminée par des anneaux noirs.
many small marks like velvet formed beautiful bracelets round her feet; her sinuous tail was also white, ending with black rings;
Le dessus de la robe, jaune comme de l’or mat, mais bien lisse et doux, portait ces mouchetures caractéristiques, nuancées en forme de roses, qui servent à distinguer les panthères des autres espèces de felis.
the overpart of her dress, yellow like burnished gold, very lissome and soft, had the characteristic blotches in the form of rosettes, which distinguish the panther from every other feline species.

Cette tranquille et redoutable hôtesse ronflait dans une pose aussi gracieuse que celle d’une chatte couchée sur le coussin d’une ottomane.
This tranquil and formidable hostess snored in an attitude as graceful as that of a cat lying on a cushion.
Ses sanglantes pattes, nerveuses et bien armées, étaient en avant de sa tête, qui reposait dessus et de laquelle partaient ces barbes rares et droites, semblables à des fils d’argent.
Her blood-stained paws, nervous and well armed, were stretched out before her face, which rested upon them, and from which radiated her straight slender whiskers, like threads of silver.

Si elle avait été ainsi dans une cage, le Provençal aurait certes admiré la grâce de cette bête et les vigoureux contrastes des couleurs vives qui donnaient à sa simarre un éclat impérial; mais, en ce moment, il sentait sa vue troublée par cet aspect sinistre.
If she had been like that in a cage, the Provencal would doubtless have admired the grace of the animal, and the vigorous contrasts of vivid color which gave her robe an imperial splendor; but just then his sight was troubled by her sinister appearance.

La présence de la panthère, même endormie, lui faisait éprouver l’effet que les yeux magnétiques du serpent produisent, dit-on, sur le rossignol.
The presence of the panther, even asleep, could not fail to produce the effect which the magnetic eyes of the serpent are said to have on the nightingale.

Le courage du soldat finit par s’évanouir un instant devant ce danger, tandis qu’il se serait sans doute exalté sous la bouche des canons vomissant la mitraille.
For a moment the courage of the soldier began to fail before this danger, though no doubt it would have risen at the mouth of a cannon charged with shell.
Cependant, une pensée intrépide se fit jour en son âme, et tarit dans sa source la sueur froide qui lui découlait du front.
Nevertheless, a bold thought brought daylight to his soul and sealed up the source of the cold sweat which sprang forth on his brow.
Agissant comme les hommes qui, poussés à bout par le malheur, arrivent à défier la mort et s’offrent à ses coups, il vit sans s’en rendre compte une tragédie dans cette aventure, et résolut d’y jouer son rôle avec honneur jusqu’à la dernière scène.
Like men driven to bay, who defy death and offer their body to the smiter, so he, seeing in this merely a tragic episode, resolved to play his part with honor to the last.

– Avant-hier, les Arabes m’auraient peut-être tué !… se dit-il.
“The day before yesterday the Arabs would have killed me, perhaps,” he said;

Se considérant comme mort, il attendit bravement et avec une inquiète curiosité le réveil de son ennemie.
so considering himself as good as dead already, he waited bravely, with excited curiosity, the awakening of his enemy.
Quand le soleil parut, la panthère ouvrit subitement les yeux;
When the sun appeared, the panther suddenly opened her eyes;
puis elle étendit violemment ses pattes, comme pour les dégourdir et dissiper des crampes.
then she put out her paws with energy, as if to stretch them and get rid of cramp.
Enfin elle bâilla, montrant ainsi l’épouvantable appareil de ses dents et sa langue fourchue, aussi dure qu’une râpe.
At last she yawned, showing the formidable apparatus of her teeth and pointed tongue, rough as a file.

– C’est comme une petite-maîtresse !… pensa le Français en la voyant se rouler et faire les mouvements les plus doux et les plus coquets.
“A regular petite maitresse,” thought the Frenchman, seeing her roll herself about so softly and coquettishly.

Elle lécha le sang qui teignait ses pattes, son museau, et se gratta la tête par des gestes réitérés pleins de gentillesse.
She licked off the blood which stained her paws and muzzle, and scratched her head with reiterated gestures full of prettiness.

– Bien !… fais un petit bout de toilette,… dit en lui-même le Français, qui retrouva sa gaieté en reprenant du courage;
“All right, make a little toilet,” the Frenchman said to himself, beginning to recover his gaiety with his courage;
nous allons nous souhaiter le bonjour.
“we’ll say good morning to each other presently;”

Et il saisit le petit poignard court dont il avait débarrassé les Maugrabins.
and he seized the small, short dagger which he had taken from the Maugrabins.

En ce moment, la panthère retourna la tête vers les Français et le regarda fixement sans avancer. La rigidité de ses yeux métalliques et leur insupportable clarté firent tressaillir le Provençal, surtout quand la bête marcha vers lui;
At this moment the panther turned her head toward the man and looked at him fixedly without moving. The rigidity of her metallic eyes and their insupportable luster made him shudder, especially when the animal walked towards him.
mais il la contempla d’un air caressant, et, la guignant comme pour la magnétiser, il la laissa venir près de lui;
But he looked at her caressingly, staring into her eyes in order to magnetize her, and let her come quite close to him;
puis, par un mouvement aussi doux, aussi amoureux que s’il avait voulu caresser la plus jolie femme, il lui passa la main sur tout le corps, de la tête à la queue, en irritant avec ses ongles les flexibles vertèbres qui partageaient le dos jaune de la panthère.
then with a movement both gentle and amorous, as though he were caressing the most beautiful of women, he passed his hand over her whole body, from the head to the tail, scratching the flexible vertebrae which divided the panther’s yellow back.

La bête redressa voluptueusement sa queue, ses yeux s’adoucirent;
The animal waved her tail voluptuously, and her eyes grew gentle;
et, quand, pour la troisième fois, le Français accomplit cette flatterie intéressée, elle fit entendre un de ces ronron par lesquels nos chats expriment leur plaisir;
and when for the third time the Frenchman accomplished this interesting flattery, she gave forth one of those purrings by which cats express their pleasure;
mais ce murmure partait d’un gosier si puissant et si profond, qu’il retentit dans la grotte comme les derniers ronflements des orgues dans une église.
but this murmur issued from a throat so powerful and so deep that it resounded through the cave like the last vibrations of an organ in a church.

Le Provençal, comprenant l’importance de ses caresses, les redoubla de manière à étourdir, à stupéfier cette courtisane impérieuse.
The man, understanding the importance of his caresses, redoubled them in such a way as to surprise and stupefy his imperious courtesan.
Quand il se crut sûr d’avoir éteint la férocité de sa capricieuse compagne, dont la faim avait été si heureusement assouvie la veille, il se leva et voulut sortir de la grotte;
When he felt sure of having extinguished the ferocity of his capricious companion, whose hunger had so fortunately been satisfied the day before, he got up to go out of the cave;
la panthère le laissa bien partir, mais, quand il eut gravi la colline, elle bondit avec la légèreté des moineaux sautant d’une branche à une autre, et vint se frotter contre les jambes du soldat en faisant le gros dos à la manière des chattes;
the panther let him go out, but when he had reached the summit of the hill she sprang with the lightness of a sparrow hopping from twig to twig, and rubbed herself against his legs, putting up her back after the manner of all the race of cats.
puis, regardant son hôte d’un oeil dont l’éclat était devenu moins inflexible, elle jeta ce cri sauvage que les naturalistes comparent au bruit d’une scie.
Then regarding her guest with eyes whose glare had softened a little, she gave vent to that wild cry which naturalists compare to the grating of a saw.

– Elle est exigeante ! s’écria le Français en souriant.
“She is exacting,” said the Frenchman, smilingly.

Il essaya de jouer avec les oreilles, de lui caresser le ventre et de lui gratter fortement la tête avec ses ongles;
He was bold enough to play with her ears; he caressed her belly and scratched her head as hard as he could.
et, s’apercevant de ses succès, il lui chatouilla le crâne avec la pointe de poignard, en épiant l’heure de la tuer; mais la dureté des os le fit trembler de ne pas réussir.
When he saw that he was successful, he tickled her skull with the point of his dagger, watching for the right moment to kill her, but the hardness of her bones made him tremble for his success.

La sultane du désert agréa les talents de son esclave en levant la tête, en tendant le cou, en accusant son ivresse par la tranquillité de son attitude.
The sultana of the desert showed herself gracious to her slave; she lifted her head, stretched out her neck and manifested her delight by the tranquility of her attitude.
Le Français songea soudain que, pour assassiner d’un seul coup cette farouche princesse, il fallait la poignarder dans la gorge,
It suddenly occurred to the soldier that to kill this savage princess with one blow he must poniard her in the throat.
et il levait la lame, quand la panthère, rassasiée sans doute, se coucha gracieusement à ses pieds en lui jetant de temps en temps des regards où, malgré une rigueur native, se peignait confusément de la bienveillance.
He raised the blade, when the panther, satisfied no doubt, laid herself gracefully at his feet, and cast up at him glances in which, in spite of their natural fierceness, was mingled confusedly a kind of good will.

Le pauvre Provençal mangea ses dattes, en s’appuyant sur un des palmiers;
The poor Provencal ate his dates, leaning against one of the palm trees
mais il lançait tour à tour un oeil investigateur sur le désert pour y chercher des libérateurs, et sur sa terrible compagne pour en épier la clémence incertaine.
and casting his eyes alternately on the desert in quest of some liberator and on his terrible companion to watch her uncertain clemency.

La panthère regardait l’endroit où les noyaux de dattes tombaient, chaque fois qu’il en jetait un, et ses yeux exprimaient alors une incroyable méfiance.
The panther looked at the place where the date stones fell, and every time that he threw one down her eyes expressed an incredible mistrust.

Elle examinait le Français avec une prudence commerciale;
She examined the man with an almost commercial prudence.
mais cet examen lui fut favorable, car, lorsqu’il eut achevé son maigre repas, elle lui lécha ses souliers, et, d’une langue rude et forte, elle en enleva miraculeusement la poussière incrustée dans les plis.
However, this examination was favorable to him, for when he had finished his meager meal she licked his boots with her powerful rough tongue, brushing off with marvelous skill the dust gathered in the creases.

– Mais quand elle aura faim ?… pensa le Provençal.
“Ah, but when she’s really hungry!” thought the Frenchman.

….

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Une Passion dans le Desert / A Passion in the Desert – Pt 3

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Continued from Part Two

Regardant tour à tour l’espace noirâtre et l’espace bleu, le soldat rêvait à la France.
Viewing alternately the dark expanse of the desert and the blue expanse of the sky, the soldier dreamed of France—
Il sentait avec délices les ruisseaux de Paris, il se rappelait les villes par lesquelles il avait passé, les figures de ses camarades, et les plus légères circonstances de sa vie.
he smelled with delight the gutters of Paris——he remembered the towns through which he had passed, the faces of his comrades, the most minute details of his life.
Enfin, son imagination méridionale lui fit bientôt entrevoir les cailloux de sa chère Provence dans les jeux de la chaleur qui ondoyait au-dessus de la nappe étendue dans le désert.
His Southern fancy soon showed him the stones of his beloved Provence, in the play of the heat which undulated above the wide expanse of the desert.
Craignant tous les dangers de ce cruel mirage, il descendit le revers opposé à celui par lequel il était monté, la veille, sur la colline.
Realizing the danger of this cruel mirage, he went down the opposite side of the hill to that by which he had come up the day before.
Sa joie fut grande en découvrant une espèce de grotte, naturellement taillée dans les immenses fragments de granit qui formaient la base de ce monticule.
His joy leapt up as he discovered a type of cave, naturally carved into the large fragments of granite that form the base of this mound.
Les débris d’une natte annonçaient que cet asile avait été jadis habité.
The remains of a rug showed that this place of refuge had at one time been inhabited;
Puis, à quelques pas, il aperçut des palmiers chargés de dattes.
at a short distance he saw some palm trees full of dates.
Alors, l’instinct qui nous attache à la vie se réveilla dans son coeur.
Then the instinct which binds us to life awoke again in his heart.
Il espéra vivre assez pour attendre le passage de quelques Maugrabins, ou peut-être entendrait-il bientôt le bruit des canons! car, en ce moment, Bonaparte parcourait l’Égypte
He hoped to live long enough to await the passing of some Maugrabins, or perhaps he might hear the sound of cannon; for at this time Bonaparte was traversing Egypt.

Ranimé par cette pensée, le Français abattit quelques régimes de fruits mûrs sous le poids desquels les dattiers semblaient fléchir,
This thought gave him new life. The palm tree seemed to bend with the weight of the ripe fruit. He shook some of it down.
et il s’assura, en goûtant cette manne inespérée, que l’habitant de la grotte avait cultivé les palmiers: la chair savoureuse et fraîche de la datte accusait en effet les soins de son prédécesseur.
When he tasted this unhoped-for manna, he felt sure that the palms had been cultivated by a former inhabitant—the savory, fresh meat of the dates were proof of the care of his predecessor.
Le Provençal passa subitement d’un sombre désespoir à une joie presque folle.
He passed suddenly from dark despair to an almost insane joy.
Il remonta sur le haut de la colline, et s’occupa pendant le reste du jour à couper un des palmiers inféconds qui, la veille, lui avaient servi de toit.
He went up again to the top of the hill, and spent the rest of the day in cutting down one of the sterile palm trees, which the night before had served him for shelter.
Un vague souvenir lui fit penser aux animaux du désert,
A vague memory made him think of the animals of the desert;
et, prévoyant qu’ils pourraient venir boire à la source perdue dans les sables qui apparaissait au bas des quartiers de roche, il résolut de se garantir de leurs visites en mettant une barrière à la porte de son ermitage.
and in case they might come to drink at the spring, visible from the base of the rocks but lost further down, he resolved to guard himself from their visits by placing a barrier at the entrance of his hermitage.

Malgré son ardeur, malgré les forces que lui donna la peur d’être dévoré pendant son sommeil, il lui fut impossible de couper le palmier en plusieurs morceaux dans cette journée; mais il réussit à l’abattre.
In spite of his diligence, and the strength which the fear of being devoured asleep gave him, he was unable to cut the palm in pieces, though he succeeded in cutting it down.
Quand, vers le soir, ce roi du désert tomba, le bruit de sa chute retentit au loin, et il y eut une sorte de gémissement poussé par la solitude;
At eventide the king of the desert fell; the sound of its fall resounded far and wide, like a sigh in the solitude;
le soldat en frémit comme s’il eût entendu quelque voix lui prédire un malheur.
the soldier shuddered as though he had heard some voice predicting woe.

Mais, ainsi qu’un héritier qui ne s’apitoie pas longtemps sur la mort d’un parent, il dépouilla ce bel arbre des larges et hautes feuilles vertes qui en sont le poétique ornement, et s’en servit pour réparer la natte sur laquelle il allait se coucher.
But like an heir who does not long bewail a deceased relative, he tore off from this beautiful tree the tall broad green leaves which are its poetic adornment, and used them to mend the mat on which he was to sleep.

Fatigué par la chaleur et le travail, il s’endormit sous les lambris rouges de sa grotte humide.
Fatigued by the heat and his work, he fell asleep under the red curtains of his wet cave.

Au milieu de la nuit, son sommeil fut troublé par un bruit extraordinaire.
In the middle of the night his sleep was troubled by an extraordinary noise;
Il se dressa sur son séant, et le silence profond qui régnait lui permit de reconnaître l’accent alternatif d’une respiration dont la sauvage énergie ne pouvait appartenir à une créature humaine.
he sat up, and the deep silence around allowed him to distinguish the alternative accents of a respiration whose savage energy could not belong to a human creature.

Une profonde peur, encore augmentée par l’obscurité, par le silence et par les fantaisies du réveil, lui glaça le coeur.
A profound terror, increased still further by the darkness, the silence, and his waking images, froze his heart within him.
Il sentit même à peine la douloureuse contraction de sa chevelure quand, à force de dilater les pupilles de ses yeux, il aperçut dans l’ombre deux lueurs faibles et jaunes.
He almost felt his hair stand on end, when by straining his eyes to their utmost he perceived through the shadow two faint yellow lights.
D’abord, il attribua ces lumières à quelque reflet de ses prunelles; mais bientôt, le vif éclat de la nuit l’aidant par degrés à distinguer les objets qui se trouvaient dans la grotte, il aperçut un énorme animal couché à deux pas de lui.
At first he attributed these lights to the reflections of his own pupils, but soon the vivid brilliance of the night aided him gradually to distinguish the objects around him in the cave, and he beheld a huge animal lying but two steps from him.
Était-ce un lion, un tigre, ou un crocodile?
Was it a lion, a tiger, or a crocodile?

Le Provençal n’avait pas assez d’instruction pour savoir dans quel sous-genre était classé son ennemi;
The Provencal was not sufficiently educated to know under what species his enemy ought to be classed;
mais son effroi fut d’autant plus violent, que son ignorance lui fit supposer tous les malheurs ensemble.
but his fright was all the greater, as his ignorance led him to imagine all terrors at once;
Il endura le cruel supplice d’écouter, de saisir les caprices de cette respiration, sans en rien perdre et sans oser se permettre le moindre mouvement.
he endured a cruel torture, noting every variation of the breathing close to him without daring to make the slightest movement.
Une odeur aussi forte que l’odeur exhalée par les renards, mais plus pénétrante, plus grave, pour ainsi dire, remplissait la grotte;
An odor, pungent like that of a fox, but more penetrating, more profound,—so to speak,—filled the cave,
et, quand le Provençal l’eut dégustée du nez, sa terreur fut au comble, car il ne pouvait plus révoquer en doute l’existence du terrible compagnon dont l’antre royal lui servait de bivac.
and when the Provencal became sensible of this, his terror reached its height, for he could no longer doubt the proximity of a terrible companion, whose royal dwelling served him for a shelter.

Bientôt, les reflets de la lune, qui se précipitait vers l’horizon, éclairant la tanière, firent insensiblement resplendir la peau tachetée d’une panthère.
Presently the reflection of the moon descending on the horizon lit up the den, rendering gradually visible and resplendent the spotted skin of a panther.

Ce lion d’Égypte dormait, roulé comme un gros chien, paisible possesseur d’une niche somptueuse à la porte d’un hôtel;
This lion of Egypt slept, curled up like a big dog, the peaceful possessor of a sumptuous niche at the gate of an hotel;
ses yeux, ouverts pendant un moment, s’étaient refermés.
its eyes opened for a moment and closed again;
Il avait la face tournée vers le Français.
its face was turned towards the man.
Mille pensées confuses passèrent dans l’âme du prisonnier de la panthère;
A thousand confused thoughts passed through the Frenchman’s mind;
d’abord, il voulut la tuer d’un coup de carabine, mais il s’aperçut qu’il n’y avait pas assez d’espace entre elle et lui pour l’ajuster, le canon aurait dépassé l’animal.
first he thought of killing it with a bullet from his gun, but he saw there was not enough distance between them for him to take proper aim—the shot would miss the mark.
Et s’il l’éveillait ?… Cette hypothèse le rendit immobile.
And if it were to wake!—the thought made his limbs rigid.
En écoutant battre son coeur au milieu du silence, il maudissait les pulsations trop fortes que l’affluence du sang y produisait, redoutant de troubler ce sommeil qui lui permettait de chercher un expédient salutaire.
He listened to his own heart beating in the midst of the silence, and cursed the too violent pulsations which the flow of blood brought on, fearing to disturb that sleep which allowed him time to think of some means of escape.

Il mit la main deux fois sur son cimeterre, dans le dessein de trancher la tête à son ennemie ; mais la difficulté de couper un poil ras et dur l’obligea de renoncer à ce hardi projet.
Twice he placed his hand on his scimiter, intending to cut off the head of his enemy; but the difficulty of cutting the stiff short hair compelled him to abandon this daring project.
– La manquer ? ce serait mourir sûrement, pensa-t-il.
To miss would be to die for CERTAIN, he thought;
Il préféra les chances d’un combat, et résolut d’attendre le jour. Et le jour ne se fit pas longtemps désirer.
he preferred the chances of fair fight, and made up his mind to wait till morning; the morning did not leave him long to wait.

Le Français put alors examiner la panthère; elle avait le museau teint de sang.
He could now examine the panther at ease; its muzzle was smeared with blood.

….

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Une Passion dans le Desert / A Passion in the Desert – Pt 2

Une Passion dans le Desert / A Passion in the Desert – Pt 2

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Une Passion Dans Le Desert / H de Balzac / 1837 / Translated into the English by Ernest Dowson years ago

continued from Part 1

Lors de l’expédition entreprise dans la haute Égypte par le général Desaix, un soldat provençal, étant tombé au pouvoir des Maugrabins, fut emmené par ces Arabes dans les déserts situés au delà des cataractes du Nil.
During the expedition in Upper Egypt under General Desaix, a Provencal soldier fell into the hands of the Maugrabins, and was taken by these Arabs into the deserts beyond the falls of the Nile.
Afin de mettre entre eux et l’armée française un espace suffisant pour leur tranquillité, les Maugrabins firent une marche forcée, et ne s’arrêtèrent qu’à la nuit.
In order to place a sufficient distance between themselves and the French army, the Maugrabins made forced marches, and only halted when night was upon them.
Ils campèrent autour d’un puits masqué par des palmiers, auprès desquels ils avaient précédemment enterré quelques provisions.
They camped round a well overshadowed by palm trees under which they had previously concealed a store of provisions.
Ne supposant pas que l’idée de fuir pût venir à leur prisonnier, ils se contentèrent de lui attacher les mains, et s’endormirent tous, après avoir mangé quelques dattes et donné de l’orge à leurs chevaux.
Not surmising that the notion of flight would occur to their prisoner, they contented themselves with binding his hands, and after eating a few dates, and giving provender to their horses, went to sleep.

Quand le hardi Provençal vit ses ennemis hors d’état de le surveiller, il se servit de ses dents pour s’emparer d’un cimeterre; puis, s’aidant de ses genoux pour en fixer la lame, il trancha les cordes qui lui ôtaient l’usage de ses mains et se trouva libre.
When the brave Provencal saw that his enemies were no longer watching him, he made use of his teeth to steal a scimiter, fixed the blade between his knees, and cut the cords which prevented him from using his hands; in a moment he was free.
Aussitôt, il se saisit d’une carabine et d’un poignard, se précautionna d’une provision de dattes sèches, d’un petit sac d’orge, de poudre et de balles; ceignit un cimeterre, monta sur un cheval et piqua vivement dans la direction où il supposa que devait être l’armée française.
He at once seized a rifle and a dagger, then taking the precautions to provide himself with a sack of dried dates, oats, and powder and shot, and to fasten a scimiter to his waist, he leaped on to a horse, and spurred on vigorously in the direction where he thought to find the French army.
Impatient de revoir un bivac, il pressa tellement le coursier, déjà fatigué, que le pauvre animal expira, les flancs déchirés, laissant les Français au milieu du désert.
So impatient was he to see a bivouac again that he pressed on the already tired courser at such speed, that its flanks were lacerated with his spurs, and at last the poor animal died, leaving the Frenchman alone in the desert.

Après avoir marché pendant quelque temps dans le sable avec tout le courage d’un forçat qui s’évade, le soldat fut obligé de s’arrêter, le jour finissait.
After walking some time in the sand with all the courage of an escaped convict, the soldier was obliged to stop, as the day had already ended.
Malgré la beauté du ciel pendant les nuits en Orient, il ne se sentit pas la force de continuer son chemin.
In spite of the beauty of an Oriental sky at night, he felt he had not strength enough to go on.
Il avait heureusement pu gagner une éminence sur le haut de laquelle s’élançaient quelques palmiers, dont le feuillage, aperçu depuis longtemps, avait réveillé dans son coeur les plus douces espérances.
Fortunately he had been able to find a small hill, on the summit of which a few palm trees shot up into the air; it was their verdure seen from afar which had brought hope and consolation to his heart.
Sa lassitude était si grande, qu’il se coucha sur une pierre de granit capricieusement taillée en lit de camp, et s’y endormit sans prendre aucune précaution pour sa défense pendant son sommeil.
His fatigue was so great that he lay down upon a rock of granite, capriciously cut out like a camp-bed; there he fell asleep without taking any precaution to defend himself while he slept.

Il avait fait le sacrifice de sa vie. Sa dernière pensée fut même un regret.
He had made the sacrifice of his life. His last thought was one of regret.
Il se repentait déjà d’avoir quitté les Maugrabins, dont la vie errante commençait à lui sourire depuis qu’il était loin d’eux et sans secours.
He repented having left the Maugrabins, whose nomadic life seemed to smile upon him now that he was far from them and without help.
Il fut réveillé par le soleil, dont les impitoyables rayons, tombant d’aplomb sur le granit, y produisaient une chaleur intolérable.
He was awakened by the sun, whose pitiless rays fell with all their force on the granite and produced an intolerable heat—
Or, le Provençal avait eu la maladresse de se placer en sens inverse de l’ombre projetée par les têtes verdoyantes et majestueuses des palmiers…
—for he had had the stupidity to place himself adversely to the shadow thrown by the verdant majestic heads of the palm trees.
Il regarda ces arbres solitaires, et tressaillit! ils lui rappelèrent les fûts élégants et couronnés de longues feuilles qui distinguent les colonnes sarrasines de la cathédrale d’Arles.
He looked at the solitary trees and shuddered—they reminded him of the graceful shafts crowned with foliage which characterize the Saracen columns in the cathedral of Arles.

Mais, quand, après avoir compté les palmiers, il jeta les yeux autour de lui, le plus affreux désespoir fondit sur son âme.
But when, after counting the palm trees, he cast his eyes around him, the most horrible despair was infused into his soul.
Il voyait un océan sans bornes. Les sables noirâtres du désert s’étendaient à perte de vue dans toutes les directions, et ils étincelaient comme une lame d’acier frappée par une vive lumière.
Before him stretched an ocean without limit. The dark sand of the desert spread further than eye could reach in every direction, and glittered like steel struck with bright light.
Il ne savait pas si c’était une mer de glace ou des lacs unis comme un miroir. Emportée par lames, une vapeur de feu tourbillonnait au-dessus de cette terre mouvante.
It might have been a sea of looking-glass, or lakes melted together in a mirror. A fiery vapor carried up in surging waves made a perpetual whirlwind over the quivering land.
Le ciel avait un éclat oriental d’une pureté désespérante, car il ne laisse alors rien à désirer à l’imagination. Le ciel et la terre étaient en feu.
The sky was lit with an Oriental splendor of insupportable purity, leaving naught for the imagination to desire. Heaven and earth were on fire.

Le silence effrayait par sa majesté sauvage et terrible.
The silence was awful in its wild and terrible majesty.
L’infini, l’immensité, pressaient l’âme de toutes parts:
Infinity, immensity, closed in upon the soul from every side.
pas un nuage au ciel, pas un souffle dans l’air, pas un accident au sein du sable agité par petites vagues menues;
Not a cloud in the sky, not a breath in the air, not a flaw on the bosom of the sand, ever moving in diminutive waves;
enfin, l’horizon finissait, comme en mer quand il fait beau, par une ligne de lumière aussi déliée que le tranchant d’un sabre.
the horizon ended as at sea on a clear day, with one line of light, definite as the cut of a sword.

Le Provençal serra le tronc d’un des palmiers, comme si c’eût été le corps d’un ami;
The Provencal threw his arms round the trunk of one of the palm trees, as though it were the body of a friend,
puis, à l’abri de l’ombre grêle et droite que l’arbre dessinait sur le granit, il pleura, s’assit et resta là, contemplant avec une tristesse profonde la scène implacable qui s’offrait à ses regards.
and then, in the shelter of the thin, straight shadow that the palm cast upon the granite, he wept. Then sitting down he remained as he was, contemplating with profound sadness the implacable scene, which was all he had to look upon.
Il cria comme pour tenter la solitude. Sa voix, perdue dans les cavités de l’éminence, rendit au loin un son maigre qui ne réveilla point d’écho; l’écho était dans son coeur.
He cried aloud, to measure the solitude. His voice, lost in the hollows of the hill, sounded faintly, and aroused no echo—the echo was in his own heart.
Le Provençal avait vingt-deux ans, il arma sa carabine…
The Provencal was twenty-two years old:—he loaded his carbine.

– Il sera toujours bien temps! se dit-il en posant à terre l’arme libératrice.
“There’ll be time enough,” he said to himself, laying on the ground the weapon which alone could bring him deliverance.

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Une Passion Dans Le Desert / A Passion In the Desert – Pt 1

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Une Passion Dans Le Desert / H de Balzac / 1837 / Translated into the English by Ernest Dowson years ago

Ce spectacle est effrayant! s’écria-t-elle en sortant de la ménagerie de M. Martin.
“The whole show is dreadful,” she cried coming out of the menagerie of M. Martin.

Elle venait de contempler ce hardi spéculateur travaillant avec son hyène, pour parler en style d’affiche.
She had just been looking at that daring speculator “working with his hyena,”—to speak in the style of the programme.

– Par quels moyens, dit-elle en continuant, peut-il avoir apprivoisé ses animaux au point d’être assez certain de leur affection pour … ?
“By what means,” she continued, “can he have tamed these animals to such a point as to be certain of their affection for——”

– Ce fait, qui vous semble un problème, répondis-je en l’interrompant, est cependant une chose naturelle.
“What seems to you a problem,” said I, interrupting, “is really quite natural.”

– Oh! s’écria-t-elle en laissant errer sur ses lèvres un sourire d’incrédulité.
“Oh!” she cried, letting an incredulous smile wander over her lips.

– Vous croyez donc les bêtes entièrement dépourvues de passions? lui demandai-je; apprenez que nous pouvons leur donner tous les vices dus à notre état de civilisation.

“You think that beasts are wholly without passions?” I asked her. “Quite the reverse; we can communicate to them all the vices arising in our own state of civilization.”

Elle me regarda d’un air étonné.
She looked at me with an air of astonishment.

– Mais, repris-je, en voyant M. Martin pour la première fois, j’avoue qu’il m’est échappé, comme à vous, une exclamation de surprise.
“But,” I continued, “the first time I saw M. Martin, I admit, like you, I did give vent to an exclamation of surprise.
Je me trouvais alors près d’un ancien militaire amputé de la jambe droite, entré avec moi.
I found myself next to an old soldier with the right leg amputated, who had come in with me.
Cette figure m’avait frappé. C’était une de ces têtes intrépides, marquées du sceau de la guerre et sur lesquelles sont écrites les batailles de Napoléon.
His face had struck me. He had one of those heroic heads, stamped with the seal of warfare, and on which the battles of Napoleon are written.
Ce vieux soldat avait surtout un air de franchise et de gaieté qui me prévient toujours favorablement. C’était sans doute un de ces troupiers que rien ne surprend, qui trouvent matière à rire dans la dernière grimace d’un camarade, l’ensevelissent ou le dépouillent gaiement, interpellent les boulets avec autorité, dont enfin les délibérations sont courtes, et qui fraterniseraient avec le diable.
Besides, he had that frank, good-humored expression which always impresses me favorably. He was without doubt one of those troopers who are surprised at nothing, who find matter for laughter in the contortions of a dying comrade, who bury or plunder him quite light-heartedly, who stand intrepidly in the way of bullets;—in fact, one of those men who waste no time in deliberation, and would not hesitate to make friends with the devil himself.
Après avoir regardé fort attentivement le propriétaire de la ménagerie au moment où il sortait de la loge, mon compagnon plissa ses lèvres de manière à formuler un dédain moqueur par cette espèce de moue significative que se permettent les hommes supérieurs pour se faire distinguer des dupes.
After looking very attentively at the proprietor of the menagerie getting out of his box, my companion pursed up his lips with an air of mockery and contempt, with that peculiar and expressive twist which superior people assume to show they are not taken in.
Aussi, quand je me récriai sur le courage de M. Martin, sourit-il et me dit-il d’un air capable, en hochant la tête:

» – Connu!

Then, when I was expatiating on the courage of M. Martin, he smiled, shook his head knowingly, and said,

‘Well known.’

» – Comment, connu ? lui répondis-je. Si vous voulez m’expliquer ce mystère, je vous serai très-obligé.
“‘How “well known”?’ I said. ‘If you would only explain me the mystery, I should be vastly obliged.’

» Après quelques instants, pendant lesquels nous fîmes connaissance, nous allâmes dîner dans le premier restaurant qui s’offrit à nos regards. Au dessert, une bouteille de vin de Champagne rendit aux souvenirs de ce curieux soldat toute leur clarté. Il me raconta son histoire, et je vis qu’il avait eu raison de s’écrier : Connu !
“After a few minutes, during which we made acquaintance, we went to dine at the first restauranteur’s whose shop caught our eye. At dessert a bottle of champagne completely refreshed and brightened up the memories of this odd old soldier. He told me his story, and I saw that he was right when he exclaimed, ‘Well known.’”

Rentrée chez elle, elle me fit tant d’agaceries, tant de promesses, que je consentis à lui rédiger la confidence du soldat. Le lendemain, elle reçut donc cet épisode d’une épopée qu’on pourrait intituler les Français en Égypte.
When she got home, she teased me to that extent, was so charming, and made so many promises, that I consented to communicate to her the confidences of the old soldier. Next day she received the following episode of an epic which one might call “The French in Egypt.”

….

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Madame Bovary

Madame Bovary

Gustave Flaubert MADAME BOVARY (1857)

Intro Material & First Chapter

Table des matières

PREMIÈRE PARTIE I II III IV V VI VII VIII IX DEUXIÈME PARTIE I II III IV V VI VII VIII IX X XI XII XIII XIV XV TROISIÈME PARTIE I II III IV V VI VII VIII IX X XI
À Marie-Antoine-Jules Senard

MEMBRE DU BARREAU DE PARIS EX-PRESIDENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE ET ANCIEN MINISTRE DE L’INTÉRIEUR
Cher et illustre ami,

Permettez-moi d’inscrire votre nom en tête de ce livre et au- dessus même de sa dédicace; car c’est à vous, surtout, que j’en dois la publication. En passant par votre magnifique plaidoirie, mon oeuvre a acquis pour moi-même comme une autorité imprévue. Acceptez donc ici l’hommage de ma gratitude, qui, si grande qu’elle puisse être, ne sera jamais à la hauteur de votre éloquence et de votre dévouement.

GUSTAVE FLAUBERT
Paris, 12 avril 1857

À Louis Bouilhet

PREMIÈRE PARTIE
I
Nous étions à l’Étude, quand le Proviseur entra, suivi d’un nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail.

Le Proviseur nous fit signe de nous rasseoir; puis, se tournant vers le maître d’études:

— Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l’appelle son âge.

Resté dans l’angle, derrière la porte, si bien qu’on l’apercevait à peine, le nouveau était un gars de la campagne, d’une quinzaine d’années environ, et plus haut de taille qu’aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de village, l’air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu’il ne fût pas large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes, en bas bleus, sortaient d’un pantalon jaunâtre très tiré par les bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de clous.

On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n’osant même croiser les cuisses, ni s’appuyer sur le coude, et, à deux heures, quand la cloche sonna, le maître d’études fut obligé de l’avertir, pour qu’il se mît avec nous dans les rangs.

Nous avions l’habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d’avoir ensuite nos mains plus libres; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière; c’était là le genre.

Mais, soit qu’il n’eût pas remarqué cette manoeuvre ou qu’il n’eut osé s’y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C’était une de ces coiffures d’ordre composite, où l’on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses, enfin, dont la laideur muette a des profondeurs d’expression comme le visage d’un imbécile. Ovoïde et renflée de baleines, elle commençait par trois boudins circulaires; puis s’alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poils de lapin; venait ensuite une façon de sac qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d’une broderie en soutache compliquée, et d’où pendait, au bout d’un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d’or, en manière de gland. Elle était neuve; la visière brillait.

— Levez-vous, dit le professeur.

Il se leva; sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire.

Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d’un coup de coude, il la ramassa encore une fois.

— Débarrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui était un homme d’esprit.

Il y eut un rire éclatant des écoliers qui décontenança le pauvre garçon, si bien qu’il ne savait s’il fallait garder sa casquette à la main, la laisser par terre ou la mettre sur sa tête. Il se rassit et la posa sur ses genoux.

— Levez-vous, reprit le professeur, et dites-moi votre nom.

Le nouveau articula, d’une voix bredouillante, un nom inintelligible.

— Répétez!

Le même bredouillement de syllabes se fit entendre, couvert par les huées de la classe.

— Plus haut! cria le maître, plus haut!

Le nouveau, prenant alors une résolution extrême, ouvrit une bouche démesurée et lança à pleins poumons, comme pour appeler quelqu’un, ce mot: Charbovari.

Ce fut un vacarme qui s’élança d’un bond, monta en crescendo, avec des éclats de voix aigus (on hurlait, on aboyait, on trépignait, on répétait: Charbovari! Charbovari!), puis qui roula en notes isolées, se calmant à grand-peine, et parfois qui reprenait tout à coup sur la ligne d’un banc où saillissait encore çà et là, comme un pétard mal éteint, quelque rire étouffé.

Cependant, sous la pluie des pensums, l’ordre peu à peu se rétablit dans la classe, et le professeur, parvenu à saisir le nom de Charles Bovary, se l’étant fait dicter, épeler et relire, commanda tout de suite au pauvre diable d’aller s’asseoir sur le banc de paresse, au pied de la chaire. Il se mit en mouvement, mais, avant de partir, hésita.

— Que cherchez-vous? demanda le professeur.

— Ma cas… fit timidement le nouveau, promenant autour de lui des regards inquiets.

— Cinq cents vers à toute la classe! exclamé d’une voix furieuse, arrêta, comme le Quos ego, une bourrasque nouvelle. — Restez donc tranquilles! continuait le professeur indigné, et s’essuyant le front avec son mouchoir qu’il venait de prendre dans sa toque: Quant à vous, le nouveau, vous me copierez vingt fois le verbe ridiculus sum.

Puis, d’une voix plus douce:

— Eh! vous la retrouverez, votre casquette; on ne vous l’a pas volée!

Tout reprit son calme. Les têtes se courbèrent sur les cartons, et le nouveau resta pendant deux heures dans une tenue exemplaire, quoiqu’il y eût bien, de temps à autre, quelque boulette de papier lancée d’un bec de plume qui vînt s’éclabousser sur sa figure. Mais il s’essuyait avec la main, et demeurait immobile, les yeux baissés.

Le soir, à l’Étude, il tira ses bouts de manches de son pupitre, mit en ordre ses petites affaires, régla soigneusement son papier. Nous le vîmes qui travaillait en conscience, cherchant tous les mots dans le dictionnaire et se donnant beaucoup de mal. Grâce, sans doute, à cette bonne volonté dont il fit preuve, il dut de ne pas descendre dans la classe inférieure; car, s’il savait passablement ses règles, il n’avait guère d’élégance dans les tournures. C’était le curé de son village qui lui avait commencé le latin, ses parents, par économie, ne l’ayant envoyé au collège que le plus tard possible.

Son père, M. Charles-Denis-Bartholomé Bovary, ancien aide- chirurgien-major, compromis, vers 1812, dans des affaires de conscription, et forcé, vers cette époque, de quitter le service, avait alors profité de ses avantages personnels pour saisir au passage une dot de soixante mille francs, qui s’offrait en la fille d’un marchand bonnetier, devenue amoureuse de sa tournure. Bel homme, hâbleur, faisant sonner haut ses éperons, portant des favoris rejoints aux moustaches, les doigts toujours garnis de bagues et habillé de couleurs voyantes, il avait l’aspect d’un brave, avec l’entrain facile d’un commis voyageur. Une fois marié, il vécut deux ou trois ans sur la fortune de sa femme, dînant bien, se levant tard, fumant dans de grandes pipes en porcelaine, ne rentrant le soir qu’après le spectacle et fréquentant les cafés. Le beau-père mourut et laissa peu de chose; il en fut indigné, se lança dans la fabrique, y perdit quelque argent, puis se retira dans la campagne, où il voulut faire valoir. Mais, comme il ne s’entendait guère plus en culture qu’en indiennes, qu’il montait ses chevaux au lieu de les envoyer au labour, buvait son cidre en bouteilles au lieu de le vendre en barriques, mangeait les plus belles volailles de sa cour et graissait ses souliers de chasse avec le lard de ses cochons, il ne tarda point à s’apercevoir qu’il valait mieux planter là toute spéculation.

Moyennant deux cents francs par an, il trouva donc à louer dans un village, sur les confins du pays de Caux et de la Picardie, une sorte de logis moitié ferme, moitié maison de maître; et, chagrin, rongé de regrets, accusant le ciel, jaloux contre tout le monde, il s’enferma dès l’âge de quarante-cinq ans, dégoûté des hommes, disait-il, et décidé à vivre en paix.

Sa femme avait été folle de lui autrefois; elle l’avait aimé avec mille servilités qui l’avaient détaché d’elle encore davantage. Enjouée jadis, expansive et tout aimante, elle était, en vieillissant, devenue (à la façon du vin éventé qui se tourne en vinaigre) d’humeur difficile, piaillarde, nerveuse. Elle avait tant souffert, sans se plaindre, d’abord, quand elle le voyait courir après toutes les gotons de village et que vingt mauvais lieux le lui renvoyaient le soir, blasé et puant l’ivresse! Puis l’orgueil s’était révolté. Alors elle s’était tue, avalant sa rage dans un stoïcisme muet, qu’elle garda jusqu’à sa mort. Elle était sans cesse en courses, en affaires. Elle allait chez les avoués, chez le président, se rappelait l’échéance des billets, obtenait des retards; et, à la maison, repassait, cousait, blanchissait, surveillait les ouvriers, soldait les mémoires, tandis que, sans s’inquiéter de rien, Monsieur, continuellement engourdi dans une somnolence boudeuse dont il ne se réveillait que pour lui dire des choses désobligeantes, restait à fumer au coin du feu, en crachant dans les cendres.

Quand elle eut un enfant, il le fallut mettre en nourrice. Rentré chez eux, le marmot fut gâté comme un prince. Sa mère le nourrissait de confitures; son père le laissait courir sans souliers, et, pour faire le philosophe, disait même qu’il pouvait bien aller tout nu, comme les enfants des bêtes. À l’encontre des tendances maternelles, il avait en tête un certain idéal viril de l’enfance, d’après lequel il tâchait de former son fils, voulant qu’on l’élevât durement, à la spartiate, pour lui faire une bonne constitution. Il l’envoyait se coucher sans feu, lui apprenait à boire de grands coups de rhum et à insulter les processions. Mais, naturellement paisible, le petit répondait mal à ses efforts. Sa mère le traînait toujours après elle; elle lui découpait des cartons, lui racontait des histoires, s’entretenait avec lui dans des monologues sans fin, pleins de gaietés mélancoliques et de chatteries babillardes. Dans l’isolement de sa vie, elle reporta sur cette tête d’enfant toutes ses vanités éparses, brisées. Elle rêvait de hautes positions, elle le voyait déjà grand, beau, spirituel, établi, dans les ponts et chaussées ou dans la magistrature. Elle lui apprit à lire, et même lui enseigna, sur un vieux piano qu’elle avait, à chanter deux ou trois petites romances. Mais, à tout cela, M. Bovary, peu soucieux des lettres, disait que ce n’était pas la peine! Auraient-ils jamais de quoi l’entretenir dans les écoles du gouvernement, lui acheter une charge ou un fonds de commerce? D’ailleurs, avec du toupet, un homme réussit toujours dans le monde. Madame Bovary se mordait les lèvres, et l’enfant vagabondait dans le village.

Il suivait les laboureurs, et chassait, à coups de motte de terre, les corbeaux qui s’envolaient. Il mangeait des mûres le long des fossés, gardait les dindons avec une gaule, fanait à la moisson, courait dans le bois, jouait à la marelle sous le porche de l’église les jours de pluie, et, aux grandes fêtes, suppliait le bedeau de lui laisser sonner les cloches, pour se pendre de tout son corps à la grande corde et se sentir emporter par elle dans sa volée.

Aussi poussa-t-il comme un chêne. Il acquit de fortes mains, de belles couleurs.

À douze ans, sa mère obtint que l’on commençât ses études. On en chargea le curé. Mais les leçons étaient si courtes et si mal suivies, qu’elles ne pouvaient servir à grand-chose. C’était aux moments perdus qu’elles se donnaient, dans la sacristie, debout, à la hâte, entre un baptême et un enterrement; ou bien le curé envoyait chercher son élève après l’Angélus, quand il n’avait pas à sortir. On montait dans sa chambre, on s’installait: les moucherons et les papillons de nuit tournoyaient autour de la chandelle. Il faisait chaud, l’enfant s’endormait; et le bonhomme, s’assoupissant les mains sur son ventre, ne tardait pas à ronfler, la bouche ouverte. D’autres fois, quand M. le curé, revenant de porter le viatique à quelque malade des environs, apercevait Charles qui polissonnait dans la campagne, il l’appelait, le sermonnait un quart d’heure et profitait de l’occasion pour lui faire conjuguer son verbe au pied d’un arbre. La pluie venait les interrompre, ou une connaissance qui passait. Du reste, il était toujours content de lui, disait même que le jeune homme avait beaucoup de mémoire.

Charles ne pouvait en rester là. Madame fut énergique. Honteux, ou fatigué plutôt, Monsieur céda sans résistance, et l’on attendit encore un an que le gamin eût fait sa première communion.

Six mois se passèrent encore; et, l’année d’après, Charles fut définitivement envoyé au collège de Rouen, où son père l’amena lui-même, vers la fin d’octobre, à l’époque de la foire Saint- Romain.

Il serait maintenant impossible à aucun de nous de se rien rappeler de lui. C’était un garçon de tempérament modéré, qui jouait aux récréations, travaillait à l’étude, écoutant en classe, dormant bien au dortoir, mangeant bien au réfectoire. Il avait pour correspondant un quincaillier en gros de la rue Ganterie, qui le faisait sortir une fois par mois, le dimanche, après que sa boutique était fermée, l’envoyait se promener sur le port à regarder les bateaux, puis le ramenait au collège dès sept heures, avant le souper. Le soir de chaque jeudi, il écrivait une longue lettre à sa mère, avec de l’encre rouge et trois pains à cacheter; puis il repassait ses cahiers d’histoire, ou bien lisait un vieux volume d’Anacharsis qui traînait dans l’étude. En promenade, il causait avec le domestique, qui était de la campagne comme lui.

À force de s’appliquer, il se maintint toujours vers le milieu de la classe; une fois même, il gagna un premier accessit d’histoire naturelle. Mais à la fin de sa troisième, ses parents le retirèrent du collège pour lui faire étudier la médecine, persuadés qu’il pourrait se pousser seul jusqu’au baccalauréat.

Sa mère lui choisit une chambre, au quatrième, sur l’Eau-de-Robec, chez un teinturier de sa connaissance: Elle conclut les arrangements pour sa pension, se procura des meubles, une table et deux chaises, fit venir de chez elle un vieux lit en merisier, et acheta de plus un petit poêle en fonte, avec la provision de bois qui devait chauffer son pauvre enfant. Puis elle partit au bout de la semaine, après mille recommandations de se bien conduire, maintenant qu’il allait être abandonné à lui-même.

Le programme des cours, qu’il lut sur l’affiche, lui fit un effet d’étourdissement: cours d’anatomie, cours de pathologie, cours de physiologie, cours de pharmacie, cours de chimie, et de botanique, et de clinique, et de thérapeutique, sans compter l’hygiène ni la matière médicale, tous noms dont il ignorait les étymologies et qui étaient comme autant de portes de sanctuaires pleins d’augustes ténèbres.

Il n’y comprit rien; il avait beau écouter, il ne saisissait pas. Il travaillait pourtant, il avait des cahiers reliés, il suivait tous les cours; il ne perdait pas une seule visite. Il accomplissait sa petite tâche quotidienne à la manière du cheval de manège, qui tourne en place les yeux bandés, ignorant de la besogne qu’il broie.

Pour lui épargner de la dépense, sa mère lui envoyait chaque semaine, par le messager, un morceau de veau cuit au four, avec quoi il déjeunait le matin; quand il était rentré de l’hôpital, tout en battant la semelle contre le mur. Ensuite il fallait courir aux leçons, à l’amphithéâtre, à l’hospice, et revenir chez lui, à travers toutes les rues. Le soir, après le maigre dîner de son propriétaire, il remontait à sa chambre et se remettait au travail, dans ses habits mouillés qui fumaient sur son corps, devant le poêle rougi.

Dans les beaux soirs d’été; à l’heure où les rues tièdes sont vides, quand les servantes, jouent au volant sur le seuil des portes, il ouvrait sa fenêtre et s’accoudait. La rivière, qui fait de ce quartier de Rouen comme une ignoble petite Venise, coulait en bas, sous lui, jaune, violette ou bleue, entre ses ponts et ses grilles. Des ouvriers, accroupis au bord, lavaient leurs bras dans l’eau. Sur des perches partant du haut des greniers, des écheveaux de coton séchaient à l’air. En face, au-delà des toits, le grand ciel pur s’étendait, avec le soleil rouge se couchant. Qu’il devait faire bon là-bas! Quelle fraîcheur sous la hêtraie! Et il ouvrait les narines pour aspirer les bonnes odeurs de la campagne, qui ne venaient pas jusqu’à lui.

Il maigrit, sa taille s’allongea, et sa figure prit une sorte d’expression dolente qui la rendit presque intéressante.

Naturellement, par nonchalance; il en vint à se délier de toutes les résolutions qu’il s’était faites. Une fois, il manqua la visite, le lendemain son cours, et, savourant la paresse, peu à peu, n’y retourna plus.

Il prit l’habitude du cabaret, avec la passion des dominos. S’enfermer chaque soir dans un sale appartement public, pour y taper sur des tables de marbre de petits os de mouton marqués de points noirs, lui semblait un acte précieux de sa liberté, qui le rehaussait d’estime vis-à-vis de lui-même. C’était comme l’initiation au monde, l’accès des plaisirs défendus; et, en entrant, il posait la main sur le bouton de la porte avec une joie presque sensuelle. Alors, beaucoup de choses comprimées en lui, se dilatèrent; il apprit par coeur des couplets qu’il chantait aux bienvenues, s’enthousiasma pour Béranger, sut faire du punch et connut enfin l’amour.

Grâce à ces travaux préparatoires, il échoua complètement à son examen d’officier de santé. On l’attendait le soir même à la maison pour fêter son succès.

Il partit à pied et s’arrêta vers l’entrée du village, où il fit demander sa mère, lui conta tout. Elle l’excusa, rejetant l’échec sur l’injustice des examinateurs, et le raffermit un peu, se chargeant d’arranger les choses. Cinq ans plus tard seulement, M. Bovary connut la vérité; elle était vieille, il l’accepta, ne pouvant d’ailleurs supposer qu’un homme issu de lui fût un sot.

Charles se remit donc au travail et prépara sans discontinuer les matières de son examen, dont il apprit d’avance toutes les questions par coeur. Il fut reçu avec une assez bonne note. Quel beau jour pour sa mère! On donna un grand dîner.

Où irait-il exercer son art? À Tostes. Il n’y avait là qu’un vieux médecin. Depuis longtemps madame Bovary guettait sa mort, et le bonhomme n’avait point encore plié bagage, que Charles était installé en face, comme son successeur.

Mais ce n’était pas tout que d’avoir élevé son fils, de lui avoir fait apprendre la médecine et découvert Tostes pour l’exercer: il lui fallait une femme. Elle lui en trouva une: la veuve d’un huissier de Dieppe, qui avait quarante-cinq ans et douze cents livres de rente.

Quoiqu’elle fût laide, sèche comme un cotret, et bourgeonnée comme un printemps, certes madame Dubuc ne manquait pas de partis à choisir. Pour arriver à ses fins, la mère Bovary fut obligée de les évincer tous, et elle déjoua même fort habilement les intrigues d’un charcutier qui était soutenu par les prêtres.

Charles avait entrevu dans le mariage l’avènement d’une condition meilleure, imaginant qu’il serait plus libre et pourrait disposer de sa personne et de son argent. Mais sa femme fut le maître; il devait devant le monde dire ceci, ne pas dire cela, faire maigre tous les vendredis, s’habiller comme elle l’entendait, harceler par son ordre les clients qui ne payaient pas. Elle décachetait ses lettres, épiait ses démarches, et l’écoutait, à travers la cloison, donner ses consultations dans son cabinet, quand il y avait des femmes.

Il lui fallait son chocolat tous les matins, des égards à n’en plus finir. Elle se plaignait sans cesse de ses nerfs, de sa poitrine, de ses humeurs. Le bruit des pas lui faisait mal; on s’en allait, la solitude lui devenait odieuse; revenait-on près d’elle, c’était pour la voir mourir, sans doute. Le soir, quand Charles rentrait, elle sortait de dessous ses draps ses longs bras maigres, les lui passait autour du cou, et, l’ayant fait asseoir au bord du lit, se mettait à lui parler de ses chagrins: il l’oubliait, il en aimait une autre! On lui avait bien dit qu’elle serait malheureuse; et elle finissait en lui demandant quelque sirop pour sa santé et un peu plus d’amour.

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